Voici
quelques brefs points de repère sur la vie de Thomas Bernhard.
La vie de Thomas Bernhard
est immédiatement marquée par une grande précarité,
non seulement financière ou émotionnelle, mais
également corporelle.
Autrichien, il est en
fait né le 9 février 1931 à Heerlen aux
Pays-Bas. II vit à partir de l'automne chez ses grands-parents
à Vienne, avant que sa mère ne revienne en Autriche
en 1932 et se remarie.
Il passe sa jeunesse
à Salzbourg, principalement sous l'aile de son grand-père,
Johannes Freumbichler, qui reçoit en 1937 le prix d'Etat
pour la littérature pour son roman "Philomena Ellenhub",
ce qui ne doit pas cacher une grande précarité
matérielle.
Thomas Bernhard dans
"Ein Kind" ("un enfant"):
"Celui qui vend
quelque chose qui n'existe pas est accusé et condamné,
disait mon grand-père, l'Église vend publiquement
Dieu et le Saint-Esprit depuis des millénaires de manière
totalement impunie".
Thomas Bernhard mettra
toujours l'accent sur son enfance auprès de son grand-père,
époque heureuse pour lui.
Le 13 mars l'Allemagne
nazie annexe l'Autriche austro-fasciste (depuis 1934). En 1939,
Thomas Bernhard entre dans le "jungvolk", en 1941/42,
il est envoyé dans le centre d'éducation national-socialiste
pour enfant en Thuringe, en 1943 il entre dans un internat nazi
à Salzbourg, ville où sa famille s'installe en
1946.
En 1947, Thomas Bernhard
arrête le lycée et commence un apprentissage, avant
qu'en 1948, malade de la grippe, il soit envoyé à
l'hôpital au début 1949 où on lui donne les
derniers sacrements. Son grand-père meurt la même
année, sa mère l'année suivante.
Il apprendra ces deux
décès de la même manière: par hasard
dans le journal.
Thomas Bernhard , atteint de tuberculose pulmonaire, ne quittera
les hôpitaux qu'en 1951. Il souffrira toute sa vie du souffle
court et sa littérature sera fortement imprégné
de ces souffrances physiques vécues.
Mais en 1950 il a fait
la rencontre de Hedwig Stavianicek, qui sera sa grande amie et
dont il partage désormais la pierre tombale.
En 1952, il travaille
comme collaborateur indépendant au journal "Demokratischen
Volksblatt" grâce à un ami de son grand-père
et a ses premières publications, ainsi que ses premiers
scandales pour ses articles très critiques.
Thomas Bernhard attaque
vigoureusement l'hypocrisie typique de la ville de Salzbourg,
qu'il voit comme une prison fondée sur la religion et
le refus d'abandonner les valeurs national-socialistes.
Il étudie, au
Conservatoire de musique et d'art dramatique de Vienne ainsi
qu'au Mozarteum de Salzbourg.
Il écrit son
premier roman, FROST (GEL) en 1962, qui paraît l'année
suivante et qui gagnera de nombreux prix.
Le scandale absolu est
atteint en 1968, lorsqu'on lui remet un prix d'Etat autrichien
pour la littérature pour "FROST". Le ministre
de l'éducation et tous les responsables quittent la salle
alors que Thomas Bernhard tient un discours attaquant frontalement
l'Etat, la culture autrichienne et les Autrichiens.
Il dit notamment:
"Nous Autrichiens
sommes apathiques; nous sommes la vie en tant que désintérêt
général pour la vie".
Mais Thomas Bernhard
se concentre de plus en plus sur les oeuvres théâtrales.
En 1969 il se lie d'amitié
avec le régisseur Claus Peymann, qui sera un grand soutien
tout au long de sa carrière.
En 1970 "Ein Fest für Boris" est un grand succès
au Théâtre allemand de Hambourg. La même année
il obtient le prix Georg Büchner, la plus importante récompense
littéraire d'Allemagne occidentale.
Ces années marquent
le début d'un cycle de 5 oeuvres autobiographique (qui
paraîtront entre 1975 et 1982): l'Origine, la Cave,
le Souffle, le Froid et Un enfant.
En 1975, c'est un nouveau
scandale. La pièce "DER PRÄSIDENT" (Le
président) a sa première en Allemagne à
Stuttgart quatre jours après celle en Autriche, soit le
21 mai 1975.
C'est-à-dire
le même jour et dans la même ville où se déroule
le premier procès de la Fraction Armée Rouge. On
peut ainsi entendre les acteurs dirent:
"On en finira
rapidement avec les anarchistes, sans autre forme de procès".
"Tout le monde
a peur / Tout le monde / Tout le monde / Tout le monde / dans
cet Etat ne domine plus que la peur".
En 1976 a lieu à
Stuttgart la première du portrait dramatique du vieil
acteur, "Minetti", joué par Bernhard Minetti.
La pièce "VOR
DEM RUHESTAND" (Avant la retraite) décrit elle, deux
ans plus tard, une autre vieillesse: celle d'un juge allemand
célébrant en cachette l'anniversaire de Himmler.
C'est une attaque contre le ministre-président du Baden
Wurtemberg, qui les derniers jours de la seconde guerre mondiale
était un juge de la Marine condamnant encore à
mort et ayant toujours caché son passé par la suite.
A la fin de la pièce, le régisseur Claus Peymann
appela à donner de l'argent pour la prisonnière
de la Fraction Armée Rouge, Gudrun Ennslin.
La pièce "DER
THEATERMACHER" (Le faiseur de théâtre) causera
également un grand scandale en Autriche en 1985, le ministre
(socialiste) des finances et futur chancelier disant que "de
telles sorties contre l'Autriche comme dans "Le faiseur
de théâtre" ne seront bientôt plus
tolérées".
Mais c'est bien sûr
pour "HELDENPLATZ", la place des héros, que
Thomas Bernhard s'attirera le plus d'ennui. Pour les 50 ans de
l'annexion de l'Autriche par l'Allemagne, la pièce attaque
l'hypocrisie autrichienne.
La "place des héros",
au centre de Vienne, a été le lieu d'un discours
de Hitler qui fut acclamé par une énorme foule.
Thomas Bernhard considère que les Autrichiens n'ont pas
changé et l'oeuvre décrit la souffrance de Juifs
vivant dans la hantise de ces clameurs, cinquante années
après.
On peut ainsi entendre
dans la pièce:
"Il y a aujourd'hui
plus de nazis à Vienne
qu'en 1938".
Thomas Bernhard meurt
trois mois après la première, le 12 février
1989.
Dans son testament, il interdit la diffusion et la représentation
de ses oeuvres en Autriche ("quelle que soit la forme de
son Etat") pour les cinquante prochaines années.
Ses héritiers
annuleront cet aspect du testament.
Son cadavre est enveloppé d'un tissu blanc et mis dans
un cercueil le plus simple possible, "comme les Juifs orthodoxes".
Seuls trois membres de la famille seront présents à
l'enterrement, l'annonce officielle de sa mort sera faite par
la suite seulement.
Thomas Bernhard a écrit
250 articles, 5 recueils de poésie, 23 grands textes en
prose et nouvelles, 18 pièces de théâtre.
©michael
rebboah 2002